Dong Hoi

Après être revenu quelques jours à Hanoï, je continue mon voyage vers le sud avec pour premier arrêt Dong Hoi à 522 km. Comme le trajet en train dure 9 heures, je décide de prendre le train de nuit de 22 heures en couchette. Malheureusement, le train est complet et il ne reste que des places assises en  »hard seat ». Je pensais à tort que j’aurais droit à un siège  »normal » un peu moins luxueux que la seconde classe. Erreur fatale, en fait il s’agit bien de sièges durs comme promis puisque ce sont des bancs en bois qui équipent ces wagons d’un autre âge….
J’aurai droit à ma pire nuit en train depuis mon départ et les quelque 18000 kilomètres que j’ai parcourus jusqu’à présent. Mais je n’ai pas à me plaindre, j’aurais pu attendre au lendemain ou réserver à l’avance, ce que je n’ai pas fait. Par contre, les Vietnamiens qui voyagent avec moi n’ont probablement pas le choix pour des raisons purement économiques. Le wagon est bondé, il y a en plus des jeunes enfants qui, ne payant pas, n’ont pas de place attitrée et se retrouvent sur les genoux des parents. Les 10 heures de voyages ont été éprouvantes pour tout le monde. Peu à peu chacun s’installe du mieux qu’il peut sur ces bancs exigus et inconfortables. Certains ont prévu le coup et ne tardent pas à dérouler une natte pour se coucher, qui dans le couloir, qui sous les bancs. Il devient impossible de circuler sans enjamber des corps qui jonchent le sol…
Arrivé à Dong Hoi vers 8 heures, je saute dans un taxi, trouve un hôtel et vais me coucher illico.

Pendant la guerre du Vietnam, Dong Hoi a subi les bombardements des B52 américains en raison de sa proximité avec le 17e parallèle qui divisait le Nord et le Sud et avec la fameuse zone démilitarisée. Pourtant on n’en voit que peu de traces, à part les restes calcinés de la cathédrale qui témoigne de la violence des combats. C’est une petite ville balnéaire, aux maisons pimpantes, peintes aux couleurs ocres qui rappellent son passé colonial. Les rues sont bordées d’arbres et le tout lui donne des airs méditerranéens.
La ville s’étire le long du littoral avec au nord de belles plages bordées d’hôtels chics; plus bas, les hôtels de backpackers avec leurs bars occidentaux et au bout des quais, le centre de la ville avec son marché et ses commerces qui n’attirent guère les touristes.

Dong Hoi est aussi situé au point le plus étroit du Vietnam, le Laos n’est qu’à 40 kilomètres de là, le long de la cordillère annamitique. Le parc national Phong Nha-Ke Bang est ouvert au public depuis peu et en partie seulement, l’armée en contrôlant encore une majeure partie. Il faut dire que la région a subi des bombardements intenses qui ont laissé de nombreuses bombes disséminées partout et qui représentent toujours un danger. J’ai loué une moto pour parcourir ces montagnes couvertes de jungle puisque le trekking ne peut se faire sans l’accompagnement d’un guide officiel. Le périple sur la moto vétuste a eu son lot d’imprévus avec une crevaison et une panne d’essence, les compteurs et autres jauges ne fonctionnant plus depuis longtemps. Le frein arrière lui-même ne répondait qu’avec ma plus grande insistance…

La petite gare de Dong Hoi se niche au fond d’une impasse qui débouche sur une place. Elle en occupe l’extrémité tandis qu’une épicerie-café-dépanneur déploie sa terrasse sous un hangar à sa droite. L’endroit parfait pour passer les quatre heures d’attente que je me suis infligé en achetant le billet de train pour Danang au dernier moment. Je prendrai donc le prochain à 19h30, celui de 15h30 étant complet. La chaleur de cet après-midi ensoleillé est écrasante et les chauffeurs de taxi cuisent à petit feu sur la place en attendant d’hypothétiques clients. Sous le hangar, où je me suis installé, deux groupes assurent l’animation. D’un côté les chauffeurs de moto-taxi, réfugiés provisoires discutent avec animation, de l’autre les joueurs de domino rythment les minutes qui passent en frappant leurs pièces avec conviction, éclairs sonores dans cette chaleur poisse.
Plus tard vers cinq heures, alors que le soleil décline avant de se coucher sans préavis, une partie de volley-ball s’organise sur un terrain installé juste devant la gare. Je suis aux premières loges et les coups de sifflet rageurs de l’arbitre me laissent croire que la partie est tout ce qu’il y a de plus officiel. Cette petite place a des airs de village et me fait regretter mon départ.
C’est ici que j’aurais dû passer ces quelques jours où j’imagine un Pagnol local, me racontant les amours de Fanny et de son Marius qui ne rêve que de voyages en train tandis qu’Honorine m’alimente en boites de bières. J’aperçois César qui, attablé avec ses amis, est tout à sa partie de dominos. Le train siffle bruyamment son départ, Marius s’échappe par la fenêtre qui donne sur la place. Je le vois contourner le terrain de volley, s’engouffrer dans la gare, son baluchon sur l’épaule. J’entends Fanny sangloter derrière sa fenêtre tandis que César, tout à sa partie, ne s’aperçoit de rien. Je prends mon sac et le suis. Adieu Dong Hoi.

Dong Hoi

3 commentaires :

  1. T’as le look roker de la jungle, Michel!

  2. Les poissons, ils sont pas frais ou ils ont la grippe aviaire?

  3. Tu as l’air en forme en tout cas, malgré la nuit pénible dans ce train assez original quand même. Super belles photos!

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